Ce vendredi matin là, l’école recevait pas mal de colis de l’extérieur. D’abord le réapprovisionnement annuel en fournitures scolaires et administratives, puis du matériel stérile pour l’infirmerie ainsi qu’un éventail assez important de médicaments mais surtout : de la nourriture.

Les colis alimentaires étaient fréquents bien sûr, mais là c’était un peu particulier : nous étions le 20 décembre, autrement dit aujourd’hui c’était le repas spécial fête de Noël qui était proposé aux étudiants car la plupart quitteraient probablement l’établissement pour rejoindre leurs parents pour les vacances.

Si certains (voire beaucoup) trouvaient à redire aux repas quotidien qu’offrait la cafétéria, les étudiants et professeurs se rejoignaient souvent pour admettre que ce repas là était… Unique. Et cette année, ce n’est pas Cyriel Malone qui dirait le contraire.

Il était justement chargé de réceptionner les différents arrivages et de les conduire à leurs destinations. Après avoir signé plusieurs bons de livraison au nom de l’établissement, il indiqua aux livreurs les cuisines ainsi que les locaux administratifs, il se chargea lui-même avec l’aide de quelques infirmiers de transporter les cartons destinés à l’infirmerie.


-Voilà c’était le dernier, dit-il en plaçant un carton sur une pile déjà branlante. Alors je crois que c’est bon on a tout, ajouta t-il en regardant la liste des livraisons.

-Et qu’est-ce qu’ils ont livré aux cuisines ? Demanda l’un des infirmiers avec avidité pensant déjà aux délices de ce midi.

-Probablement tout ce qui est fruits de mer, ça doit être frais pour éviter toute intoxication, répondit machinalement Cyriel en consultant la liste.

-Ah ? Mais ce n’est pas surgelé la viande de la mer ? S’interrogea l’un des stagiaires en médecine.


Cyriel leva les yeux du calepin et inspira profondément. C’était lui ou la nouvelle génération avait de grave lacune ? Il préféra ne pas relever ce genre d’ineptie et alors qu’il secouait la tête en baissant ses prunelles bleues acier sur les notes il remarqua quelque chose. Son attention se porta sur les dates de consommation qui étaient affichées à côté mais en tout petit des produits transportés dans l’école. C’est là qu’il se rendit compte qu’on leur avait livré de la marchandise avariée et qu’il y avait un gros risque d’intoxication auprès des étudiants. Il consulta sa montre et blêmit.

Entre le moment où les colis étaient arrivés et leur transport dans les différentes parties de l’école, il s’était déjà écoulé plus de 3h et on était en plein rush à la cafétéria. Aux cuisines, on avait certainement déballé les cartons qui avaient été livrés en retard et jeté le tout dans une casserole ou une marmite pour être prêt pour midi pile.


-Et merde ! Lança t-il en faisant demi tour et en détalant direction les cuisines à toutes vitesse.

-Bah quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Entendit-on s’étonner le jeune homme qui regarda Cyriel foncer hors de l’infirmerie.


Comment avait-il pu être aussi idiot ? Accepter des crustacés et fruits de mers avariés ?! C’était impensable. Il espérait juste que dans les cuisines, on avait fait un peu plus attention aux repas servis. Sinon, ce serait une catastrophe.

Cyriel déboula comme une tornade dans les cuisines sous les regards stupéfaits (ou admirateurs) des commis et se plia en deux pour reprendre son souffle (comme quoi faites du sport quotidiennement hein). Il déglutit difficilement et reprit :


-Les…. Arrivages… Avariés… Pas servir …. Malades… Il inspira un bon coup et recommença. Ne servez pas les fruits de mers ou crustacés, tout ce qui vient d’être livré. Tous les produits ont dépassés la date de péremption de plus d’un mois. Ils se sont trompés !


Le chef regarda d’abord Cyriel comme s’il avait pris un coup sur la caboche puis au fur et à mesure que l’information grimpait jusqu’à son cerveau, on vit son visage arborer toutes les couleurs de l’arc en ciel pour finalement s’arrêter sur « blanc comme un linge ».


-Oh non… J’ai servi les huîtres il y a une demi-heure avec les coquilles de noix de St Jacques et l’assortiment de fruits de mer… Oh non, répéta le chef en se mettant à trembler pensant à son poste.


Cyriel n’attendit pas la fin de sa phrase et se dirigea en courant vers les portes de la cafétéria d’où un brouhaha infernal s’échappait comme d’habitude aux heures de pointes. Il ouvrit violement les portes et se mit à crier pour attirer l’attention générale :


-Ne touchez à aucun fruit de mer !!! Ils sont….


Inutile de terminer sa mise en garde. Environs trente cinq étudiants et quelques professeurs étaient penchés sur leur banc, chaise (ou juste au dessus de leur assiette) et rendaient consciencieusement ce qu’ils avaient ingurgité.


-Trop tard, murmura Cyriel en attrapant son téléphone portable pour appeler les renforts vu le nombre de patients à ausculter.


Une jeune fille passa justement à proximité de Cyriel et lui vomit sur ses chaussures. Une seconde, juste une seconde, Cyriel leva les yeux au ciel et soupira. Puis il se dirigea vers la demoiselle tandis que les personnes encore valides venaient prêter main forte pour conduire tout ce petit monde à l’infirmerie (ou juste les empêcher de vomir dans une assiette débordant de vomis).