Skye était venue refaire sa carte de cantine entre deux heures de cours. Elle voulait vérifier qu’elle n’était pas démagnétisée et remettre de l’argent de dessus pour pouvoir prendre ses repas. Bien sûr, ça pouvait attendre mais autant le faire à ce moment-là, plutôt qu’au moment des pauses parce que ça serait la cohue.

Déjà qu’elle avait dû fuir subtilement un peu plus tôt, un mec – plutôt mignon, il faut bien l’avouer – n’avait pas cessé de la coller. Il était curieux, charmeur et tout un tas d’autres choses, il était même parvenu à la faire rire. Pourtant ça ne suffisait pas pour l’attirer où il voulait l’entrainer. Skye aimait bien faire la fête, sortir avec ses copines et finir dans un lit le temps d’une nuit mais elle ne revoyait jamais l’homme après. C’était une règle à laquelle elle ne dérogerait pas. Du moins, temps qu’elle n’aurait pas trouvé celui qui parviendrait à la faire changer d’avis.

Bref, tout ça pour dire qu’elle avait eu du mal à se débarrasser de ce beau parleur. Durant le trajet jusqu’à la cafet, Skye n’avait pas cessé de se retourner pour s’assurer qu’il ne la suivait pas. Des fois, les hommes avaient de drôle de réaction. Tout comme les femmes.

Quelques personnes avaient pu passer pour faire vérifier leur carte. Il devait encore y en avoir cinq ou six devant elle. Skye s’amusa à les observer quelques instants pour essayer de voir si elle en connaissait certains ou non. Une brune se retourna vers elle, Raven, sa sœur ainée.

- Jay, arrête de la reluquer ! Commença-t-elle à dire avant de poser une main sur son avant-bras. C’est ma petite sœur Skye, autant te dire que tu n’as aucune chance. Elle regarda sa cadette d’un air mauvais. Elle les aime plus vieux, beaucoup plus vieux.

Une copine de sa frangine regarda Skye de la tête au pied.

- J’aurais juré qu’elle les prenait au berceau ! Y a un petit jeune qui lui tourne autour depuis quelques jours, annonça-t-elle avant de se mettre à rire. Cela dit, je dois reconnaitre qu’elle a bon gout, la petite.

Les étudiants de quatrième année finirent par se désintéresser de Skye. Quant à cette dernière, elle se mit à se ronger les ongles. Sa sœur venait de l’agacer au plus haut point, elle y parvenait très bien depuis leur plus jeune âge. La jalousie. Ce sentiment était allé en grandissant, quand Skye avait eu l’attention de leur mère, à partir du moment où elle avait montré des prédispositions pour la danse classique.

- C’est fini pour aujourd’hui ! Cria l’homme chargé des cartes.

- Cuisine en grève jusqu’à nouvelle ordre ! Déclara un cuisto.

- Est-ce qu’on peut au moins savoir la raison ? S’enquit Skye.

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Cuisine en grève ? Une grève à la rentrée ? Non mais c’était quoi ce bordel ? Ils se moquaient du monde ? C’était une blague peut être ? Légèrement agacée, Callie regarda autours d’elle le comment du pourquoi.

Est-ce qu’on peut au moins savoir la raison ? S’enquit une jeune fille.

-Ne vous inquiétez pas, vous saurez bientôt pourquoi.

C’était tout bonnement ridicule. L’école venait à peine d’ouvrir !

-Il y a vraiment des gens fainéants, dit la danseuse, un peu plus fort qu’elle ne l’aurait voulu.

-Je vous demande pardon mademoiselle ? Vous pensez que parce que vous êtes élèves ici, vous valez mieux que nous ?

-Non, non, c’est pas ce que je voulais dire, dit-elle en tentant de se justifier, morte de honte.

Ce n’était vraiment pas son genre d’être au centre de l’attention. En fait, à part la danse, Callie préférait rester derrière, loin du regard des autres. C’était étrange comme réaction quand on voulait devenir une danseuse connue et reconnue mais comme elle tentait de l’expliquer à tous, quand elle enfilait un tutu, elle enfilait un costume qui lui permettait d’être une autre.
En attendant, le cuisto ne semblait pas se fatiguer, et il continuait de l’engueuler aux yeux de tous. Certaines des filles riaient, au loin elle aperçut son frère qui lui jeta un coup d’oeil avant de secouer la tête. A tout les coups ce soir, son frère rejouerait la scène.

-Ecoutez monsieur, je disais juste que..

-Je ne veux pas le savoir ! Vous m’avez manquez de respect ! Ça ne se passera pas comme ça ! Je vais en parler à la direction !

Quoi ? Ils faisaient grève et parce qu’elle trouvait ça pas normale, il voulait lui attirer des ennuis. Ok, là c’était le chapeau. Elle avait passé une nuit compliquée, avait vomi en arrivant à l’école et là un cuisinier voulait lui attirer des ennuis.

-Mais je… tenta-t-elle de se défendre.

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Certes, ce n’était peut-être pas la meilleure optique mais Skye voulait connaitre la raison de cette grève. Il n’y avait aucune raison puisque le bâtiment était flambant neuf, donc les cuisines aussi. Les employés étaient bien payés pour les plats qu’ils leur préparaient même si certains étaient immangeables. Les inspecteurs de l’hygiène étaient également satisfaits parce qu’elle avait surpris une discussion l’an passé, les types trouvaient les lieux sains et propres et il en était de même pour les pièces ou la nourriture était entreposée, ainsi qu’à la bonne température.

Donc, c’était tout de même hallucinant que le personnel de cuisine réagisse de la sorte. Surtout aussi tôt dans l’année. Et autant dire que la réponse ne fut guère éclaircissante pour les personnes encore présente. L’avantage dans cette situation, était que sa frangine et ses potes avaient quittés les lieux parce qu’ils avaient certainement beaucoup mieux à faire.

Skye se retourna vers la personne qui avait prononcé ces quelques mots :

- Il y a vraiment des gens fainéants, dit une première année en section danse.

Et évidemment, cette remarque ne plut absolument pas au cuisto et il lui en fit la réflexion, en choisissant bien ses mots pour la rembarrer. Toutefois, Skye pouvait également comprendre la réaction de l’homme, s’ils avaient mis en place un piquet de grève c’était qu’il y avait une raison. Maintenant, il restait à savoir si c’était valable ou non.

-Je vous demande pardon mademoiselle ? Vous pensez que parce que vous êtes élèves ici, vous valez mieux que nous ?

L’homme ne la laissa pas s’expliquer non plus. Qui des deux se foutaient de la gueule de l’autre ? C’était l’adulte, le cuisinier de l’académie. S’il avait été honnête, il aurait écouté les paroles de la danseuse qui de toute évidence n’était pas à l’aise d’être le centre de l’attention. Donc la chanteuse décida qu’il était temps qu’elle intervienne.

- Et là, ce n’est pas de l’abus de pouvoir ? Demanda la jeune femme. Honnêtement, j’ai pensé la même chose qu’elle. On vient juste de rentrer et vous êtes déjà en grève, vous trouvez ça normal ?

Bon, ce n’était peut-être pas la bonne tactique parce que l’attention était dorénavant sur elle. Mais au moins, ça ne la dérangeait pas plus que ça.

- Et bien expliquez-nous ! Réitéra-t-elle. On pourrait peut-être bien vous aider et vous dire c’est une bonne raison ou non.

En même temps, ce n’était pas une aussi bonne idée que cela. Comment les dirigeants de l’académie pourraient-ils réagir en apprenant que des étudiants avaient aidé les cuisiniers ? Du moins une étudiante. Il fallait dire qu’à présent, il ne restait que les curieux. Les autres étaient probablement partis pour propager la nouvelle.

- Je dis ça mais je dis rien, hein ! Mais si on regarde bien les choses en face, vous allez en pâtir et perdre des clients, du moins chez les demi-pensionnaires. Ils pourront faire un détour pour s’acheter un sandwich sur le chemin de l’école.

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